La nutrition parentérale, un acte thérapeutique risqué, mais des résultats positifs

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Prescrite en cas de déficience de la voie entérale, celle qui transite par l’intestin, la nutrition parentérale consiste à alimenter un patient par voie intraveineuse. Bien maîtrisée aujourd’hui, elle n’en demeure pas moins une solution complexe. De la préparation à l’administration, les écueils sont légion. Pourtant, le protocole permet de sauver des vies. Revue de détail.

Introduite dans la prise en charge médicale aux cours des années 1960, la nutrition parentérale a permis de sauver de nombreuses vies. Ce sont les enfants, et notamment les prématurés, qui en ont tiré le plus grand bénéfice.

La nutrition parentérale (NP) est prescrite lorsqu’un patient présente une pathologie gastro-intestinale l’empêchant de s’alimenter par voie digestive. Un grand nombre de situations cliniques implique sa prescription : contexte post-opératoire, maladie de Crohn, mucoviscidose, etc. On y a également recours dans les unités d’oncologie, de réanimation, mais également en pédiatrie et néonatalogie. La nutrition parentérale couvre alors les besoins énergétiques des patients et corrige les carences en micronutriments.

Elle peut être administrée par voie veineuse périphérique (VVP) ou centrale (VVC). Le choix sera déterminé en fonction de la durée d’administration, de la composition du mélange et de l’état veineux du patient. La VVP est privilégiée pour une prescription à court terme, 7 à 10 jours, d’apports nutritionnels partiels venant en complément d’une nutrition orale. La VVC est utilisée si le réseau veineux est insuffisant ou lorsque les mélanges sont à forte concentration. C’est le cas de la nutrition parentérale totale (TPN) qui impose des apports caloriques importants. Elle implique la mise en place de cathéters au bloc opératoire, dans des conditions stériles. Qu’elle soit cyclique ou continue, la nutrition parentérale doit faire l’objet d’une étroite surveillance. Il faut en mesurer l’efficacité, et surtout éviter toutes complications (techniques, infectieuses, métaboliques ou nutritionnelles).

Deux groupes de nutriments avec quarante composants hautement instables

La composition nutritive d’une nutrition parentérale contient des micronutriments et des macronutriments. Ces derniers englobent glucides, lipides et acides aminés. Le glucose, source primaire d’énergie, est nécessaire au bon fonctionnement des cellules sanguines et rénales. Les lipides, sous forme d’émulsions lipidiques, apportent les acides gras essentiels. Ils sont indispensables à la structure des molécules et des membranes cellulaires. Enfin, les acides aminés agissent sur le système immunitaire et le système digestif. Ils renouvellent les cellules mortes de nos muscles, nos yeux et nos cheveux. Sur les 22 acides aminés existants, 8 ne sont pas synthétisés par l’organisme. Ils doivent donc être apportés par notre alimentation. Les micronutriments regroupent les vitamines, les électrolytes (sels minéraux) et les oligoéléments (métaux). Ils participent au bon fonctionnement du métabolisme (transport de l’oxygène).

Tous ces composants peuvent interagir chimiquement entre eux. Plusieurs précautions sont donc à prendre pour en préserver la stabilité. L’absence d’oxygène garantie l’intégrité des acides aminés et des vitamines. En raison de leur extrême sensibilité, les vitamines sont protégées des UV pendant leur stockage. Elles sont ajoutées à la solution juste avant d’être administrée. Mais certaines dégradations sont inévitables comme la « réaction de Maillard ». Elle se produit spontanément lors du mélange des acides aminés et du glucose. Avec le temps, la solution prend alors une couleur jaune-brun et devient impropre à l’administration. D’où l’importance d’une administration rapide après reconstitution.

Préparations à la carte ou prêtes à l’emploi ?

Depuis de nombreuses années, les laboratoires pharmaceutiques ont standardisé les mélanges de nutrition parentérale. Le conditionnement en poches a rallongé leur délai de péremption et leur a permis de s’imposer dans la pratique hospitalière. Néanmoins, malgré de nombreux avantages (réduction des manipulations et des risques de contaminations,…), les formules prêtes à l’emploi ne sont pas toujours adaptées à tous les patients, notamment en pédiatrie. Et il n’existe pas d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour les enfants de moins de deux ans. Un paradoxe, car en raison de leur immaturité digestive, les prématurés* représentent le groupe de patients nécessitant le plus un recours à la nutrition parentérale. De plus du prématuré à l’adolescent, les enfants ont des besoins nutritionnels différents : ils varient suivant l’âge, le poids et la situation clinique. La prescription d’une nutrition parentérale et sa composition se font alors au cas par cas.

Ces préparations dites “magistrales” ou “à la carte” sont réalisées par la pharmacie hospitalière. Elles présentent l’avantage d’une grande souplesse dans le choix des produits et sont parfaitement adaptées au patient. Mais elles impliquent d’être stériles et exemptes de pyrogènes, car une stérilisation terminale est impossible : les composants du mélange seraient en effet altérés de façon irrémédiable. Il faut donc une fabrication dans une Zone d’Atmosphère Contrôlée (ZAC). Cela requiert un matériel sophistiqué : isolateur, hottes à flux laminaires, plafond soufflant. Le produit, préparé à l’aide d’un automate, est contrôlé (stérilité, endotoxines, contamination particulaire) puis mis en quarantaine à l’intérieur d’une chambre froide. Lorsque les derniers contrôles et vérifications auront été effectués, la solution de nutrition sera enfin libérée et délivrée au patient.

Les 50 dernières années ont largement fait évoluer la nutrition parentérale. Les formules industrielles prêtes à l’emploi côtoient les préparations hospitalières. Les premières ont largement facilité la prise en charge nutritionnelle dans les établissements de petite taille, en ambulatoire ou à domicile, mais restent inadaptés pour la pédiatrie et la néonatalogie. Un pas reste donc à faire à l’avenir pour adapter ce type de mélanges « prêts à l’emploi » à la population infantile.

* 2012 : 65 000 naissances prématurées en France

Sylvie Ponlot