Aux origines de la transfusion sanguine

 

Chaque année dans le monde, plus de 100 millions d’unités de sang sont collectées qui bénéficient à plusieurs dizaines de millions de patients. Si les transfusions sont désormais réalisées dans des conditions de sécurité optimales pour les malades, elles sont le résultat de plusieurs siècles de recherche. Retour aux origines d’une histoire riche en rebondissements.

 

Des Mayas qui brûlaient du sang sacrifié en offrande aux Dieux, aux médecins médiévaux pratiquant des saignées, le sang a de tout temps été l’objet d’interrogations, de croyances, de rituels, et bien sûr de recherches. Dès l’Antiquité, les traités de médecine font mention d’injection de sang par perfusion intraveineuse ; pourtant il aura fallu attendre le XVIIe siècle pour que cet élément essentiel à la vie commence à révéler quelques uns de ses secrets.

 

Des expérimentations à la compréhension du système circulatoire sanguin

Jusqu’alors les médecins pensaient que le sang était produit par le foie, comme les écrits du médecin grec Claude Galien, vieux de plus de quinze siècles, l’affirmaient. C’est William Harvey, un médecin anglais, qui en 1628 va remettre en cause ces théories en démontrant l’existence du système circulatoire sanguin, et en exposant le rôle du cœur.

Dès lors, les travaux de recherche sur le sang et sa circulation s’accélèrent, et ce sont ceux de Christofer Wren (scientifique anglais, astronome et architecte !) qui vont ouvrir bientôt la voie aux premières transfusions : en 1665 celui-ci met en effet au point les premiers instruments permettant l’injection de liquide dans la circulation sanguine humaine.
Quelques années plus tard, le Dr Jean-Baptiste Denis – médecin personnel de Louis XIV – expérimente les transfusions de sang animal à l’homme. L’un de ses patients, ainsi traité pour des accès de folie, décède cependant de cette expérience, entraînant l’interdiction par le Parlement de Paris des transfusions sanguines à l’homme. Il faudra attendre 150 ans pour que de nouvelles expérimentations sur l’homme
soient réalisées en France.
Au XIXe siècle l’obstétricien James Blundell va reprendre le sujet, dans l’idée notamment de traiter les hémorragies post-partum de certaines de ses patientes. Il obtiendra des résultats encourageants, bien qu’étant confronté notamment à la problématique de la coagulation du sang.

 

Les premières transfusions modernes

Après plusieurs siècles d’expérimentations, la découverte du Dr Karl Landsteiner va offrir à la recherche hématologique l’une de ses grandes avancées.
En 1901, le médecin d’origine autrichienne met en effet en évidence l’existence du « système ABO », première étape de différenciation des différents groupes sanguins, ouvrant ainsi la voie aux transfusions modernes.
Le nombre de ces dernières va rapidement progresser pendant la Première Guerre mondiale alors que de nouvelles armes, beaucoup plus puissantes, font de nombreux blessés sur le front.
C’est aussi pendant cette période que le Dr Arnault Tzanck, mobilisé dans les ambulances militaires, prend conscience du rôle majeur de la transfusion sanguine : il créera en 1928 le premier centre de transfusion, à l’Hôpital Saint-Antoine de Paris, sous le nom d’ »Œuvre de la Transfusion Sanguine d’Urgence ».
Pendant l’entre-deux-guerres, les avancées en matière de transfusion sanguine s’accélèrent : développement de techniques de conservation, création des premières réserves de sang aux États-Unis, ou encore apparition des techniques de fractionnement
du plasma, permettent de sauver toujours plus de patients.
En 1940, le Dr Karl Landsteiner, auréolé du Prix Nobel de médecine reçu en 1930, collabore avec le biologiste Alexander Wiener : leurs travaux aboutissent à la description du système Rhésus, avancée majeure dans la détermination des compatibilités donneur / receveur. Cette découverte fondamentale va permettre dès lors de rendre les transfusions sanguines de plus en plus sûres.
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, les efforts concerneront également l’instauration d’un cadre renforcé à la pratique des transfusions : des établissements, publics ou privés, apparaissent dans de nombreux pays, chargés d’organiser la collecte de sang et/ou de garantir l’autonomie nationale. Dans le même temps, des questions éthiques, comme la rémunération du don, sont débattues.

 

Quel que soit le modèle choisi, une certitude demeure : la transfusion de sang, ou de dérivés sanguins, est désormais un élément majeur de l’arsenal thérapeutique. Elle bénéficie chaque année à des millions de patients dans le monde, soit directement (sang, plasma) pour les victimes d’hémorragies (accidentés, femmes victimes d’hémorragies post-partum, grands brûlés…) soit via les dérivés issus du sang (hémophilie,
immunoglobulines pour certains cancers…).

 

 

Et les poches dans tout cela ?

Longtemps, les transfusions sanguines ont été réalisées de « bras à bras » : la veine du donneur et celle du receveur étaient directement reliées, la médecine de l’époque ne sachant alors pas conserver efficacement le sang, qui coagule dans les bouteilles en verre dans lesquelles on le prélève. La découverte du pouvoir anticoagulant du citrate de sodium en 1914 ouvre la voie à une meilleure conservation du sang. Reste à trouver les contenants adéquats. Il faudra attendre le début des années 1950 pour que soient remplacés les flacons en verre, lourds et fragiles, par des poches en plastique, plus résistantes et faciles à stocker et transporter. Depuis, les technologies de conservation du sang ont sans cesse progressé. Aujourd’hui, le sang prélevé est stocké principalement dans des poches en PVC, un matériau garantissant une conservation optimale de l’hémoglobine.