Esquisse d’une pharmacie européenne d’urgence

 

 

Phénomène récurrent, les ruptures de stocks de médicaments clefs affectent de nombreux pays avec des conséquences parfois graves sur la santé et la sécurité des patients. Les pays européens n’échappent pas à cette réalité, comme ils viennent de le constater avec la crise du coronavirus.
Alarmée par ces observations, l’Europe souhaite dès à présent mettre en place une véritable stratégie industrielle pharmaceutique et s’en donner les moyens.

 

En août dernier, un rapport sur la pénurie de médicaments a été présenté au Parlement européen par la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Il met en exergue la grande dépendance de l’Europe sur la production des principes actifs et par conséquent sur la fabrication des médicaments essentiels. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Europe importe 40 % des médicaments commercialisés sur son territoire, et 60 à 80 % des principes actifs sont produits en Chine et en Inde. Massivement adopté par 79 voix contre 1, le rapport dévoile l’ensemble des actions indispensables à mettre en oeuvre afin d’endiguer durablement les ruptures. Il recommande notamment aux États membres de partager les meilleures pratiques existantes en matière de gestion des stocks, d’adopter une politique commune d’acquisition des médicaments, ou encore de coordonner des stratégies sanitaires conjointes.
Autre objectif de taille, rétablir la souveraineté pharmaceutique de l’Europe pour sécuriser la fabrication des médicaments essentiels. Pour cela, il est vital de rapatrier la production de nombreux principes actifs, comme c’est déjà le cas pour ceux qui composent les nouvelles générations de médicaments basées sur l’ingénierie du vivant : les biotechnologies.
Enfin, la pandémie ayant mis au grand jour les pénuries, le rapport insiste sur la création d’une réserve stratégique de médicaments essentiels qui rejoindrait l’ensemble des ressources dont dispose l’Europe au sein de son mécanisme de protection civile.

 

RescEU au cœur du dispositif

En cas de catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine, le mécanisme européen de protection civile coordonne entraide et assistance entre les 34 pays membres de l’Union Européenne.
Il est déclenché par un pays lorsque ses propres capacités à répondre à la menace sont dépassées par l’ampleur de la situation. Depuis sa création en 2001, le mécanisme européen de protection civile a largement fait ses preuves : il a été activé plus de 330 fois par des pays européens ou tiers. Les ressources humaines et matérielles sont mises à disposition par les États membres, tandis que le financement et la coordination sont assurés par l’Europe.
En décembre 2018, le projet RescEU voit le jour et est adopté dès l’année suivante. La réserve RescEU nouvellement créée enrichit le mécanisme déjà en place en augmentant ses ressources avec des avions et des hélicoptères bombardiers d’eau. Avec un grand nombre d’experts prêts à être mobilisés, d’avions d’évacuation médicale, de réserves de matériel médical et d’hôpitaux de campagne, RescEU dispose maintenant d’une force aéroportée projetable en tous lieux très rapidement pour faire face aux urgences sanitaires, aux incidents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires quelle qu’en soit l’ampleur. La pharmacie européenne d’urgence, véritable réserve de médicaments essentiels, serait accessible de façon équitable à l’ensemble des États membres. Intégrée au dispositif RescEU, elle minimiserait concrètement et durablement les risques de pénuries.

 

Sylvie Ponlot